Mon Jeff,
Pour la 1ère fois je m'adresse à toi avec beaucoup de tristesse, toi mon "grand frère" comme je t'appelais depuis de nombreuses années, tu as décidé de partir vers d'autres horizons pour bâtir des ponts et des tunnels.
Tu avais arrêté avec beaucoup de tristesse de partir sur les chantiers du fait de problèmes de santé et même si nous n'en parlions pas beaucoup, ne plus partir à travers le monde pour couler du béton ce matériau qui t'était si cher, ta première femme comme tu me le répétais, avait été un crève-coeur.
Nous nous étions rencontré en juillet 1998, 23 ans en arrière et j'ai l'impression que c'était hier. Je te revois encore vociférant avec ton TOR de 32 à la main contre les "Tournevis" qui n'avaient pas respecté le béton que tu venais de couler avec moult précautions.
Cette première rencontre où tu m'as pris sous ton aile moi le "voyou de Chelles" comme tu m'avais surnommé, a été le début d'un long voyage ensemble en passant par Shenzhen, l'Algérie et puis ces dernières années Blois où je ne manquais jamais de venir te voir au gré de mes retours en France pour parler de chantier, de pelles mécaniques, de pieux, de tirants, etc. que de souvenirs évoqués autour d'un déjeuner en dégustant un bon vin et nous rappelant nos parties de backgammon et puis nos péripéties de chantier.
Tu m'as beaucoup appris mon Jeff et grâce à toi et à ton support inconditionnel, nous avons toujours réussi à obtenir les félicitations de nos Clients. Tu étais "théâtreux" comme tu le disais avec tes coups de gueule et ta bonne humeur qui te faisait apprécier de tous ceux que tu croisais. Tu étais un vrai personnage admiré pour son professionnalisme mais aussi craint lorsque le travail était bâclé, toi l'amoureux du bel ouvrage.
J'ai appris beaucoup à tes côtés et c'était un plaisir que de travailler avec toi, toi qui était capable de citer quel que soit l'endroit dont on parlait en France comme à l'étranger où se trouvait les usines de précontrainte, les centrales de béton, les fournisseurs de tunneliers, etc.
Tu t'étais même mis à l'informatique et là encore en quelques mois tu étais devenu aussi habile avec ton ordinateur qu'avec ta règle à calcul ou tes "rotrings" pour dessiner un plan.
Je pourrais parler aussi de nos soirées où nous reprenions ensemble le répertoire de Brassens, Brel, Aznavour, etc. et qui sont à jamais gravées dans ma mémoire.
Ces derniers mois, depuis Bangkok, nous avons échangé très souvent via Skype et nous ne parlions pas de la pluie et du beau temps mais de béton et de chantier... comme toujours.
Tu as décidé de nous quitter et tu vas nous manquer. Tu me manques déjà mon Jeff et même si tu es mieux où tu te trouves aujourd'hui qu'à dépérir et souffrir sur un lit d'hôpital, je suis triste en cette fin de journée à Bangkok.
J'ai une pensée pour ta petite soeur, pour tes filles dont tu parlais si souvent lorsque nous étions loin de la France, pour Mme Denise "la Grande" comme tu l'appelais à qui je souhaite beaucoup de courage surtout en cette période de Covid et à qui j'adresse de la part de toute ma famille dont mes enfants que tu amusais beaucoup mes plus sincères condoléances.
Je suis désolé mon Jeff, je ne pourrai pas t'accompagner dans ton dernier voyage mais je te promets de venir te saluer lors de mon prochain retour en France.
Bon voyage mon "grand frère", j'espère que l'on se reverra et comme promis car nous parlions aussi de la mort toi et moi ces dernières années, en m'excusant auprès de ta famille mais je te quitte en t'embrassant et surtout sur notre devise favorite qui était notre rituel:
" Mort aux Cons"
Repose en paix mon grand frère et à bientôt.
Alain surnommé le "voyou de Chelles"